Enquête : Fonderie 47, les Kalachnikov qui deviennent montres

 

En plein Baselworld 2013, la marque Fonderie 47 avait fait son petit effet. Son idée de départ : prendre des restes fondus d’AK-47, la Kalachnikov, (Avtomat Kalachnikova 1947en faire des garde-temps précieux. En plat principal : un tourbillon central avec heures sautantes et minutes rétrogrades. Le design est signé Adrian Glessing, déjà connu pour ses services auprès d’Hamilton, De Witt, Roger Dubuis.

 

La mécanique de la pièce, elle, est signée David Candaux, horloger reconnu pour ses faits d’armes chez Rebellion ou encore Badollet. L’homme est donc amateur de belle horlogerie créative, lui-même fils d’horloger chez Patek Philippe. Rien à dire de ce côté. Mais peut-on penser la même chose de la marque, de son concept ? Le Guide des Montres a mené l’enquête. 

 

 Ci-dessus, un modèle AK-47

 

 

Un business horlo-armurier de luxe

 

Le concept Fonderie 47 se résume assez simplement : pour chacune des 20 pièces achetées, la marque Fonderie 47 s’engage à détruire 1000 Kalachnikov en Afrique. L’idée est belle. Mais suscite autant de questions que de réponses.

 

Déjà, sur le business model de l’entreprise. Fonderie 47 est la petite sœur d’une autre entreprise, Liberty United. Les deux émanent d’un seul homme, Peter Thum. Ancien cadre McKinsey puis Starbucks, collaborateur du magazine de gestion de fortune Worth, marié à l’actrice Cara Buono (NCIS, Mad Men, The Sopranos), Peter Thum est avant tout un business man, habitué des grands groupes et des logiques de profit à l’américaine : efficacité, rentabilité, avec une touche d’humanitaire.

 

Pourquoi une simple touche ? Parce que Fonderie 47 s’engage à détruire 1000 Kalachnikov pour chacune des 20 pièces produites. A 195 000 dollars la montre, l’ensemble des ventes représenterait un pactole de près de 4 millions de dollars, précisément 3 900 000 USD. Et 0,02% d’AK-47 à détruire sur les plus de 100 millions de ces armes en circulation dans le monde. 

 

 Ci-dessus, Peter Thum et Cara Buono

 

 

La bonne idée, au mauvais endroit

 

Toute attention visant à réduire le nombre de ces armes en circulation est bonne à prendre. Pour autant, investir aussi lourdement afin de récolter plusieurs millions de dollars et, au final, n’en faire que 20 montres pour millionnaires et réduire un arsenal de 0,02%, est-ce viable ? L’avisé Peter Thum, également membre de cercles de réflexions (« The Weekend to be named later », qui se réunit tous les ans au resort de luxe Terranea hôtel, non loin de Palm Beach), n’avait-il d’autres alternatives ?

 

Ici, on pense notamment à de grandes ONG internationales, largement plus implantées sur le terrain et qui bénéficient d’une expérience avérée en matière de lutte contre la prolifération des armes, comme l’IANSA, l’International Action Network on Small Arms, pour tout ce qui concerne les armes légères. Ou, plus simplement et plus globalement, le Bureau des affaires du désarmement des Nations unies.

 

Ensuite, on peut légitimement s’interroger sur la volonté de Fonderie 47 de s’attaquer aux AK47 présents en Afrique, et uniquement en Afrique. Le continent noir est la destination principale de ces fusils d’assaut, mais pas la zone de production, concentrée en Russie, sur les sites d’Izhmash et Izhevsk. Depuis 1989, ces armes transitent essentiellement par l’Europe centrale, véritable plaque tournante mondiale depuis l’effondrement du bloc communiste. Là est le nerf de la guerre, à l’export. S’attaquer au point de chute de ces armes revient à vouloir remplir un seau percé. 

 

 Ci-dessus, le modèle Tourbillon de la marque Fonderie 47

 

Lucratifs bijoux

 

Enfin, la bonne volonté affichée de Fonderie 47 se trouve quelque peu ternie par un ensemble de business associés, fleurant bon le « green washing » : en achetant un bijou de l’écosystème Fonderie 47, l’heureux millionnaire s’achète, par la même occasion, une bonne conscience. Et Peter Thum ne lésine pas sur les moyens, puisqu’aujourd’hui la marque horlogère de luxe s’est entourée de joailliers dont les créations reposent sur le même principe.

 

On peut donc aujourd’hui s’offrir bagues et bracelets contenant de restreintes proportions de métal de Kalachnikov, signés notamment par un créateur ex-Sotheby’s, James de Givenchy (branche américaine de la famille Taffin de Givenchy, du nom de la célèbre enseigne), jusqu’aux boutons de manchettes « Crucible » à 9000 dollars la paire.

 

L’ensemble fleure donc bon le lucratif business model adossé à un vague prétexte humanitaire. Difficile, dans ces conditions, de croire en la sincérité de la démarche. On préfère donc largement s’adosser aux multiples fondations d’entreprise comme la Fondation Audemars Piguet, très active depuis plus de 20 ans dans d’innombrables domaines, à Baume & Mercier avec Reporters Sans Frontières, etc. Des valeurs sures, certes, mais efficaces sur le terrain.

 

Olivier Müller

 

 

Visuels © Speakers.ca, Fonderie 47, sir.tv, broadwayworld.com

 

 Ci-dessus, les bontons de manchette "Crucible"

 Ci-dessus, Peter Thum (Fonderie 47)

 

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